jeudi 17 décembre 2015

Une dessin de Lisieux en 1817

L'article que consacre Wikipédia à Lisieux s'est enrichie récemment d'une image ancienne. Elle montre la Grande Rue (aujourd'hui rue Henry Chéron) au début du XIXe siècle. 



Son auteur, l'artiste anglais Henry Edridge a fait deux voyages en France, en 1817 et 1819. Lors du premier, il s'est arrêté à Lisieux et s'est installé aux environs de l'actuelle place des Platanes pour dessiner la Grande Rue de la ville. On devine quelques maisons à pan de bois et les devantures des commerces. La perspective de la rue guide le regard jusqu'à la cathédrale. Les Lexoviennes ont revêtu le costume traditionnel terminé par une coiffe. Dans ce dessin à l'encre brune et au lavis gris et brun, nous sommes surtout intrigués par ces perches surplombant la rue. Elles semblent servir à tendre du linge à moins que ce ne soient plutôt les indices d'une activité artisanale.

En effet, un article de Fernand Rault me met le doute :
"Jusqu'en 1944, on a encore pu voir dans le quartier des coutures de larges lucarnes béantes qui servaient autrefois au séchage des frocs et molletons (étoffes de laine) sur de longues perches appelées pentoirs. Ces perches ne pouvaient dépasser la moitié de la rue et les étoffes qui y étaient étendues ne descendre qu'à 3 toises (6 m environ) du sol. Malgré les inévitables protestations des froctiers, les pentoirs furent supprimés à compter du 1er février 1836. (d'après Fernand Rault, "Rues et places de Lisieux", Le Pays d'Auge, avril 1979, p.9).
Le dessin montre-t-il des pentoirs ? Je n'en suis pas sûr car l'artiste ne dessine pas dans le quartier des Coutures (aujourd'hui le secteur de la place de la République) et on n'observe pas de larges lucarnes béantes.

Par ailleurs, ce court texte laisse sur sa faim. Pourquoi avoir interdit les pentoirs ? Est-ce une question d'esthétisme ? Est-ce parce que les frocs et molletons dégoulinaient d'eau sur les passants ? Je ne sais pas. Mais vous, peut-être...

Le dessin est aujourd'hui conservé au Harvard Museum Art à Boston. Internet nous fait économiser un aller-retour en avion.

dimanche 13 décembre 2015

Des Lexoviens apathiques en 1793

Lisieux qu'on qualifie de ville tranquille a été quelque peu chamboulé par les événements révolutionnaires. Exemple avec l'insurrection fédéraliste.

En 1793, donc en pleine Révolution, une partie de la France se rebelle contre Paris, accusée de tenir en otage l'Assemblée Nationale et de lui dicter ses lois. Les rebelles sont nommés fédéralistes. Lorsqu'une armée fédéraliste arrive à Lisieux pour marcher sur la capitale, la municipalité lui fait bon accueil. Elle partage certainement les griefs des rebelles. Les officiers sont invités à l'hôtel de ville.

Scène de bivouac.


Mais quelques jours plus tard, dès son premier combat, cette armée se débande face aux soldats révolutionnaires. La contre-offensive du gouvernement démarre. Le Comité de salut public envoie trois députés escortés par une armée, en direction de Caen, un des foyers de l'insurrection fédéraliste. Le 29 juillet, les soldats arrivent à Lisieux où ils reçoivent un accueil tiède.

Un journal raconte ce moment : "la joie et le plaisir des habitants étaient si grands qu'ils en paraissaient accablés et n'avaient pas la force d'en faire éclater le moindre signe". Mauvaise foi de l'auteur de l'article ou sens aigu de l'ironie ? 

Pour en savoir plus

L'événement est développé dans Louis du Bois, Histoire de Lisieux. Ville et arrondissement, tome 1, 1845, p.289-292.

vendredi 4 décembre 2015

Lisieux, une ville qui se meurt ?


Pour évaluer le dynamisme d'une ville, l'un des indicateurs les plus faciles est de suivre son évolution démographique. En 1793, Lisieux comptait 10 118 habitants. Selon le dernier recensement (en 2012), les Lexoviens sont aujourd'hui deux fois plus nombreux (21170 habitants). Ce doublement masque une évolution chaotique et un déclassement de la ville.

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Pour une fois dans ce blog, parlons chiffres. Nous allons suivre l'évolution démographique de Lisieux sur plus de deux cents ans, en nous appuyant sur Des villages de Cassini aux communes d'aujourd'hui. Ce site indique la population de toutes les communes de France du premier recensement (en 1793) à nos jours. Quand Lisieux a-t-elle compté le plus d'habitants ? A quel rang se situe-elle par rapport aux autres villes de Normandie ?

Un déclassement relatif

En 1793, Lisieux, avec ses 10 000 habitants environ, est la 8e ville de Normandie, loin derrière Caen et surtout Rouen. Aujourd'hui elle est descendue au 14e rang. En somme, bien que la ville ait doublé sa population, elle a subi un déclassement. 

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On pourrait se lamenter de ce recul hiérarchique mais, à y regarder de plus près, il n'est pas si inquiétant. Comment Lisieux pouvait résister face aux villes-champignons de la banlieue rouennaise (Sotteville-les-Rouen, Saint-Etienne-du-Rouvray, Le Grand-Quevilly, Le Petit-Quevilly) ? Elles ont accueilli l'excédent démographique et économique de Rouen, corsetée dans ses limites communales.

Depuis 1975, Lisieux se bat avec Hérouville-Saint-Clair pour la place honorifique de seconde ville du Calvados. Au dernier recensement, avantage Hérouville-Saint-Clair. Là encore, on a affaire à une ville qui a tiré sa formidable croissance d'une situation heureuse, aux portes d'une grande ville. Hérouville ne comptait que 1800 habitants en 1962, avant que l'Etat n'en fasse une ZUP (Zone à urbaniser en priorité) pour Caen, trop à l'étroit.

Si on exclut ces ville récentes, Lisieux a presque conservé son rang parmi les villes anciennes. Seuls Evreux, Cherbourg et Vernon lui ont damé le pion depuis la Révolution. Mieux, par comparaison aux autres villes du département, l'évolution lexovienne n'apparait pas si déplorable. Avec leurs 10000 habitants environ en 1793, Bayeux et Honfleur rivalisaient avec Lisieux ; aujourd'hui elles sont loin derrière. Enfin, comme le destin de Lisieux semble enviable à celui de Falaise. Cinquième ville de Normandie à la Révolution, la ville de naissance de Guillaume le Conquérant s'est vidé de sa population (- 40%) ; elle avoisine la 50e place aujourd'hui.

Des hauts, des bas et des plats.

Source : Wikipedia. Cliquez sur l'image pour l'agrandir
L'évolution démographique de Lisieux sur les 220 dernières années ressemble au profil d'une étape montagnarde du Tour de France : irrégulière, jusqu'au grand col final. Globalement on a gagné en altitude mais on a connu quelques descentes et de longs secteurs de plat.

De 1793 à 1831, la population stagne grosso modo. Le décollage intervient sur la période 1830-1860 (de 10000 à 13000 habitants) mais cale au recensement de 1866. Puis le dénombrement suivant montre une soudaine explosion (+ 5500 habitants soit 18341 habitants en 1871). Comme si la moitié de la population de Bernay s'installait à Lisieux en l'espace de cinq ans ! J'ai longtemps cru que cette forte poussée urbaine s'expliquait par le développement industriel de la ville. De grandes usines textiles prospèrent en effet à cette époque. Sans mettre de côté ce facteur, je vois une deuxième explication : l'absorption d'une partie de la commune voisine de Saint-Désir. Absorption que je déduis de l'évolution démographique du village : Saint-Désir perd soudainement 1500 habitants entre 1866 et 1871 au moment où Lisieux en gagne brusquement. 

L'embellie démographique se casse en 1881 : Lisieux revient à 16000 habitants. La ville entre dans une longue phase de stagnation. Elle présente toujours 16000 habitants en 1936. En détruisant à 75 % la ville, la Seconde Guerre mondiale provoque un affaissement démographique (12 700 habitants en 1946). Mais, au fur et à mesure de la Reconstruction, Lisieux retrouve son niveau d'avant-guerre. Mieux, elle affiche une croissance spectaculaire et inédite à tel point qu'elle culmine à 25521 habitants en 1975, certainement le plus haut chiffre de son histoire. En moins de trente ans, la ville a doublé sa population. Bien sûr, la fondation de la ZUP d'Hauteville explique ce pic mais n'oublions pas, au préalable, l'absorption en 1960 de la commune de Saint-Jacques de Lisieux. Décidément Lisieux aime croître en croquant partiellement ou entièrement ses voisines. Sur les deux siècles, l'évolution démographique lexovienne est donc en partie artificielle.

Depuis le record de 1975, la population lexovienne décline. On constate la même évolution dans presque toutes les grandes et moyennes villes de Normandie. Même Hérouville-Saint-Clair la subit depuis 1990. Les Normands préfèrent habiter en banlieue ou dans les campagnes péri-urbaines. La baisse est tout de même inquiétante à Lisieux car elle est forte (-17 % depuis 1975) et n'est pas compensée par une croissance des communes limitrophes (Saint-Désir, Beuvillers, Saint-Martin de la Lieue). Bref, l'agglomération de Lisieux s'affaiblit.

samedi 28 novembre 2015

La première histoire de Lisieux

Parmi le top 5 des livres que je dois absolument lire, figure l'Histoire de Lisieux, ville, diocèse et arrondissement, écrite par Louis du Bois. Publié en 1845, c'est tout simplement le premier ouvrage consacré à l'histoire de la ville. La médiathèque de Lisieux dispose d'une réédition de 2003. L'occasion pour moi de l'emprunter et de juger ce volumineux essai. 

Une histoire de Lisieux en 2 tomes, écrite il y a plus de 150 ans


Louis du Bois s'est retiré dans sa propriété de Mesnil-Durand, village entre Lisieux et Livarot, pour écrire son histoire de Lisieux. Il est familier avec la ville puisqu'il y est né en 1773, y a vécu la Révolution française, y a été bibliothécaire mais sa carrière (il a été notamment sous-préfet de Vitré, en Bretagne) l'a parfois éloigné d'elle.

L'ouvrage réédité en fac-similé en 2003 se présente en deux tomes, l'ensemble constituant une bible de près de 1000 pages. Une telle longueur effraie à première vue mais le petit format des pages assure une lecture rapide. De toute façon, je ne compte pas pour le moment le lire entièrement, juste de le survoler.

D'emblée le livre affiche un lourd défaut dont on exonérera l'auteur : il fait l'impasse sur les cent cinquante dernières années de l'histoire de Lisieux. Rien sur la Seconde Guerre mondiale, rien sur la petite Thérèse. Dommage d'être mort si tôt (en 1855). 

Pour le chapitrage, l'auteur a renoncé au traditionnel plan chronologique au profit d'un plan thématique, qu'il qualifie de "naturel, rationnel et simple". Ça se défend.
  • Chapitre 1 : la topographie du diocèse et de son arrondissement, à savoir les rivières, le climat, mais la naissance du "territoire lexovien", et quelques découvertes archéologiques
  • Chapitre 2 : les faits historiques. C'est une partie faite à l'ancienne : une date, un fait. Résultat, on passe facilement du coq à l'âne. D'autant que les événements concernent aussi bien Lisieux que les autres lieux du diocèse. Bref, un chapitre cacophonique mais rempli de perles.
  • Chapitre 3 : les Annales épiscopales, soit l'organisation du diocèse, la biographie des évêques et la liste des hauts-doyens (les chefs des chanoines)
Puis on referme ce premier livre pour ouvrir le tome 2. L'organisation du volume est la suivante :
  • Chapitre 4 : Les monastères
  • Chapitre 5 : les établissements publics. C'est-à-dire les écoles, la bibliothèque, l'hôpital, la cathédrale et les autres églises ou chapelles
  • Chapitre 6 : les hommes illustres, classés non pas par ordre alphabétique mais par ordre chronologique
  • Chapitre 7 : l'administration
  • Chapitre 8 : les faits intéressants et anecdotes curieuses sur les villes, bourgs et communes rurales du diocèse et de l'arrondissement. Une partie fourre-tout où Du Bois place ce qu'il n'a pas pu mettre avant. On découvrira l'histoire des places, de rues, de bâtiments de Lisieux, quelques paragraphes sur le commerce, les armoiries, le folklore et les costumes.

Je n'adopterai probablement pas son organisation pour ma propre histoire de Lisieux ; je la trouve trop institutionnelle. Elle met en valeur l'évêque, les établissements publics et religieux, les hommes les plus célèbres mais pas assez les Lexoviens. Son plan a néanmoins le mérite d'être assez compréhensible quand on recherche une information précise.

En résumé, ce livre renferme une profusion d'informations de toute nature à tel point que j'ai intérêt à l'avoir en permanence sous le coude. Autre qualité, Du Bois écrit assez clairement, sans être ennuyeux. Malheureusement il cite bien rarement ses sources.

jeudi 19 novembre 2015

Le dernier évêque de Lisieux

Jules Basile Ferron de la Ferronnays (quel nom !) fut le dernier évêque de Lisieux. Il est un bon guide pour suivre l'histoire de la ville à la fin du XVIIIe siècle, notamment sous la Révolution. Il est d'autant plus incontournable qu'une fontaine rappelle aujourd'hui une de ses actions. Pour raconter cet épisode lexovien, je prendrai un extrait de mon livre. 






Encore un miraculé de la guerre. De ce côté de la rue Degrenne, tout a brûlé, tout a disparu dans l’apocalypse de juin 1944. Tout sauf cette fontaine en pierre, qui semble surgir de son XVIIIe siècle au milieu des immeubles modernes. Le monument, massif, semble disproportionné par rapport au petit robinet ancré à sa base. Indéniablement le commanditaire a voulu donné un caractère ostentatoire à cet édifice. Des armoiries sculptées dans la partie supérieure nous mettent sur la piste de l’orgueilleux : la crosse et la croix qui les traversent trahissent un commanditaire ecclésiastique. Son nom apparaît sur la plaque noire en dessous : fontaine de La Ferronnays. Jules Basile Ferron de la Ferronnays (1735-1799) fut le dernier évêque de Lisieux. 

En 1783, à la mort de l’évêque Jacques Marie Caritat de Condorcet, le roi Louis XVI nomme Jules Basile Ferron de La Ferronnays comme successeur. Âgé de 48 ans, l’heureux élu est issu d’une famille aristocratique bretonne. Alors que ses sept frères s’illustrent sur les champs de bataille, il est le seul à mener une carrière ecclésiastique. 

 Il est de tradition que la municipalité finance une somptueuse fête pour la réception du nouvel évêque dans la ville. D’emblée, Ferron de la Ferronnays se signale par un geste fort : modestement, il renonce à l’accueil fastueux que comptait lui préparer la ville et demande d’employer les sommes ainsi économisées à des travaux d’utilité publique. Après réflexion, le corps municipal propose l’édification d’une fontaine. Le prélat valide.
Gravé sur le monument, un distique, désormais peu lisible, résume cet épisode :
Dédaignant des honneurs le trop vain étalage, 
D'un monument utile, il préféra l'hommage

 
 
Si, de nos jours, la construction d’une fontaine contribue à embellir et animer un lieu (à l’instar de celle place François Mitterrand), à la fin du XVIIIe siècle, c’est un choix avant tout utilitaire. En l’absence d’un réseau d’adduction, une fontaine a pour rôle de fournir en eau tout un quartier. Alimentée par les sources, elle propose une eau plus pure que celle extraite des puits ou recueillie dans la Touques. A proximité de cette fontaine monumentale, il faut donc imaginer, il y a plus de deux cents ans, une file de femmes attendant leur tour pour remplir leurs seaux. L’arrivée de l’eau courante dans chaque foyer a fait disparaître ce genre de scène. Obsolète, la fontaine de la rue Degrenne est-elle encore en état de marche ? Je n’y ai jamais vu couler la moindre goutte d’eau. 

En cette fin du XVIIIe siècle, les Lexoviens bénéficient donc d’une nouvelle fontaine, d’autres étant déjà installées dans la ville. Ils peuvent se féliciter d’avoir à leur tête un évêque-comte si bienfaisant. Savent-ils qu’ils accueillent en prime un héros ? En effet, Ferron de la Ferronnays s’est fait connaître jusqu’à la Cour par un moment de bravoure[1]. En 1773, alors évêque de Saint-Brieuc, il apprend que dans un  village voisin (Châtelaudren ?), la rivière est brusquement sortie de son lit après un orage. En arrivant sur les lieux, il découvre des habitants réfugiés sur le toit de leurs chaumières ou dans la cime des arbres alors que le flot emporte tout sur son passage. L’évêque promet une récompense à ceux qui secourront les malheureux ; malgré l’argent offert, aucun n’ose affronter les tumultes de la rivière. Devant ces refus, Ferron de la Ferronnays se mouille lui-même : il entre dans l’eau, une corde à la main, prêt à franchir le torrent pour l’attacher sur l’autre bord. Le geste courageux de l’évêque réveille les plus hardis habitants qui se jettent à leur tour dans la rivière, et s’emparent de la corde. Les réfugiés sont finalement sauvés. Apprenant la nouvelle, Louis XV aurait déclaré : « Je reconnais bien là les La Ferronnays : celui-ci se jette à l'eau, comme ses frères courent au feu ». 

Lisieux semble donc accueillir en 1783 un prélat d’exception, courageux et bienfaisant. Le portrait doit toutefois être complété. L’historien de Lisieux, Louis du Bois, alors jeune écolier, l’a connu : « Je remarquais un esprit au-dessus du vulgaire, une grande habitude du monde élégant, un caractère gracieux et bienveillant. [Il] était un homme du monde, c’est-à-dire un homme de bon ton, de bon goût et de bon esprit »[2]. Un autre historien, Emile Sévestre, met en valeur ses paradoxes : « son air aristocratique et hautain laissait à peine entrevoir sa réelle bienfaisance »[3]. Si, à plusieurs reprises, ses actes attestent sa générosité envers les pauvres et les infortunés, il délaisse l’administration de son diocèse à des vicaires généraux pendant qu’il réside le plus souvent à Paris. En cela, il ne se distingue en rien de ses prédécesseurs sur la chaire épiscopale. Sa présence dans le pays d’Auge est assez exceptionnelle. 

Six ans après la nomination de Ferron de la Ferronays à Lisieux, la Révolution éclate. Comment cet aristocrate, qualifié de bienveillant, va réagir à ce tourbillon politique ? 


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C'était donc le début d'un chapitre consacré au dernier évêque de Lisieux. Ce n'est pas un écrit définitif. Je compte sur vous pour faire des remarques. Est-ce clair, bien écrit, intéressant ? Si vous êtes arrivés jusqu'à ces lignes, je suppose que ça vous a plu !





[1] Honoré Fisquet, La France pontificale. Histoire chronologique et biographique des archevêques et évêques de tous les diocèses de France, Repos, 1864, vol.Métropole de Rouen - Bayeux et Lisieux. ; Auguste Bordeaux de Prêtreville, Notice sur Jules-Basile Ferron de la Ferronnays, évêque et comte de Lisieux, Lisieux et Paris, Renault et Gaume, 1829, p.7.
[2] Louis-François Du Bois, Histoire de Lisieux : ville, diocèse et arrondissement. Tome 1, Réédition en 2003., Durand (Lisieux), 1845, p.468-469.
[3] Émile Sévestre, Les problèmes religieux de la Révolution et de l’Empire en Normandie, 1787-1815, A. Picard (Paris), 1924, p.7.

dimanche 1 novembre 2015

Moi, Paul Duchesne-Fournet, industriel et homme politique

Au lieu d'écrire sa biographie, je me suis mis dans la peau de Paul Duchesne-Fournet (1845-1906), figure lexovienne de la IIIe République. Millionnaire grâce à l'héritage de son grand-père, il s'est détourné des affaires économiques pour embrasser, avec réussite, une carrière politique locale et nationale. Les faits suivants sont véridiques ; j'ai par contre imaginé les pensées du personnage. Nous sommes en 1893.

"Du premier étage de mon château, j'embrasse du regard tout Lisieux : les quartiers ouvriers au sud, l'imposante cathédrale de Lisieux, le collège [aujourd'hui lycée Marcel Gambier], les usines le long de la Touques et le quartier bourgeois de la ville. Il y a cent ans, il n'y avait presque rien dans ce secteur de part et d'autre de la route de Pont-l'Evêque. C'était la campagne. Puis, à la fin du XVIIIe siècle, les remparts médiévaux ont été abattus, le fossé comblé et la ville a pu se déployer. Tout ce qu'il y a de meilleur à Lisieux habite ce quartier : les industriels, les avocats, les médecins, les notaires... Moi-même, j'y ai habité. Exactement en haut du boulevard de la Chaussée [aujourd'hui boulevard Carnot]. J'aperçois d'ailleurs de ma fenêtre mon ancienne demeure, en contrebas. Un véritable hôtel particulier. Mais je préfère mon actuelle résidence : un château que j'ai acheté. Je peux me promener dans le parc mais, surtout, je dois l'avouer, je domine les maisons de tous les bourgeois de la ville. Me voilà un quasi-aristocrate.

Montée vers le château Duchesne-Fournet, aujourd'hui collège Notre-Dame, lors d'une visite organisée par Pays d'art et d'histoire

La position sociale à laquelle je suis parvenu impose quelques signes ostentatoires de richesse. A 48 ans, je suis une figure locale et nationale. J'ai été député ; je suis aujourd'hui conseiller général du canton de Blangy-le-Château (depuis vingt ans, déjà) et je viens d'être élu maire de Norolles. Vous vous demandez bien pourquoi je suis maire d'une aussi petite commune et non de ma ville. On m'a proposé la fonction de maire de Lisieux en 1878 mais j'ai décliné. Un tâche bien trop ingrate. Entre la gestion des hôpitaux, des écoles, les travaux d'adduction d'eau et de gaz, la police et la sécurité dans la ville, j'aurais été débordé. La gestion de Norolles est bien moins compliquée. 
Salle de réception du château Duchesne-Fournet, inspiré du style Louis XIV
  
Je suis l'héritier d'une partie de l'empire industriel Fournet. Ce nom ne vous dit rien ? Vous devez être étranger à la ville pour le méconnaître. Jules Lambert Fournet était mon grand-père. Il fut peut-être le plus grand manufacturier [industriel] lexovien jusqu'à sa mort en 1871. C'est lui qui a notamment fondé la filature de lin d'Orival [aujourd'hui connue comme l'ancienne usine Wonder]. On dit que c'est l'une des plus belles et des plus grandes manufactures textile de France. Tout le monde est d'accord en tout cas pour la considérer comme le principal établissement industriel de la ville. J'ai donc hérité de cette formidable usine mais, il est vrai, que depuis quelques années, je me suis retiré des affaires. Je préfère investir dans la pierre et dans la terre. J'ai bien fait, l'industrie textile n'est plus aussi florissante qu'au temps de mon aïeul. 
L'usine d'Orival, fondée en 1865 par Jean Lambert Fournet, devenue usine Wonder jusqu'à sa fermeture en 1985

On me jalouse d'avoir hérité "des millions de mon grand-père". On me reproche de continuer à m'enrichir sur le dos de mes ouvriers payés une misère. Les mauvaises langues devraient reconnaître que si le peuple de Lisieux a du travail, c'est notamment grâce à moi. Je me soucie de mes ouvriers. Sous mon aspect rude, derrière mon caractère ferme, je cache un cœur d'or. Prenez mon mariage en 1874. A cette occasion, j'ai offert un banquet à tous les ouvriers de mes usines (oui, je ne possède pas que celle d'Orival). Au total, 1600 convives à table ! Le service comptait sept plats. Du gigot, des volailles, des brioches, des oranges... La plupart de mes ouvriers buvait du champagne pour la première fois. Mon mariage avec Lucie Ernestine a malheureusement peu duré : elle s'est éteinte à 29 ans. D'elle, je conserve un fort beau portrait à l'huile. Son visage clair ressort de son paletot noire bordé de fourrures.
Portrait de Mme Paul Duchesne-Fournet, par Jean-Jacques Henner (1879). Los Angeles County Museum of Art.

L'année prochaine (1894) sera importante : j'ai décidé de me relancer en politique. Je convoite pour la première fois un mandat de sénateur. J'affronterai le baron Jules Adolphe Brunet, le conseiller général de Saint-Pierre-sur-Dives. C'est un bonapartiste tandis que je soutiens le régime actuel, la République. Elle garantit aussi bien les libertés que la paix, nécessaire au développement économique. D'après mes amis, mes chances d'être élu sont bonnes". 

Et ce n'est pas tout

Pour ceux qui veulent connaître la suite de l'histoire, sachez que Paul Duchesne-Fournet remporta les élections sénatoriales de 1894. Il fut même réélu largement en 1903.

Contrairement aux apparences, le boulevard Duchesne-Fournet ne rappelle pas la mémoire de Paul Duchesne-Fournet. Il renvoie à sa mère, Marie-Célinie Duchesne-Fournet, bienfaitrice de Lisieux. En 1889, cette veuve offrit une fort jolie somme à la ville dans le but d'assurer une rente viagère de 300 fr à 40 ouvriers et ouvrières, trop vieux pour continuer à travailler dans les usines Duchesne-Fournet. En 1896, le conseil municipal présidé par le maire Henry Chéron renomma le boulevard de Pont-l'Evêque en son honneur.

Cette pseudo-autobiographie m'a été inspiré par la visite organisée par Pays d'Art et d'histoire le 19 octobre 2015 "Demeures bourgeoises de Lisieux". Les commentaires de notre guide, Marguerite de Mezerac, ont alimenté ce texte.

Demeures bourgeoises boulevard Herbert-Fournet. La famille Herbet-Fournet était cousine des Duchesne-Fournet.

lundi 26 octobre 2015

Les principes du livre : j'y vois plus clair

Après mûres réflexions, je pense mieux définir comment écrire cette histoire de Lisieux. Voici les objectifs, un aperçu des thèmes étudiés et la manière de les aborder.

Objectifs du livre

  • Contribuer à ce que les Lexoviens s'approprient et aiment leur ville en dévoilant la richesse et l'ancienneté de l'histoire de Lisieux, en montrant que le passé lexovien est visible à chaque coin de rue malgré le quasi-anéantissement de 1944.
  • Faire comprendre cette histoire (contexte, recherche des causes et conséquences) et la débarrasser de certains clichés.
  • Divertir les lecteurs.


Le livre ne s'adressera pas en priorité aux spécialistes. Il devra être lisible et compréhensible même pour un public peu familier avec l'histoire.

La rue Pont-Mortain, mais où est donc le pont ?
  

Narration et style

Chaque chapitre prend pour point de départ un lieu actuel de la ville. Chaque lieu sera la porte d'entrée d'un thème ou d'une période.
Le récit sera le mode privilégié. Le livre sera illustré.

Période étudiée

Le première chapitre concernera l'oppidum du Castellier, l'agglomération gauloise bâtie à quelques kilomètres de la ville actuelle

Je ne sais pas encore à quelle date conclure cette histoire de Lisieux. La reconstruction dans les années 1950 ? La fondation de Hauteville dans les années 1960-1970 ? Aujourd'hui ? Plus la date est proche, plus je me sens ennuyé car je ne suis pas né à Lisieux et je pense donc que des Lexoviens pourraient mieux parler que moi des dernières décennies.

Le rond-point André Carles et la tour Sainte-Anne. Le nom d'un ancien maire et un vestige du Moyen Âge : l'histoire est partout à Lisieux, pour peu qu'on s'y attarde.


Des idées de chapitres 

- L'oppidum du Castellier
- La ville-sanctuaire de Saint-Désir
- Noviomagus, la ville romaine
- Lisieux sous l'occupation anglaise pendant la guerre de Cent Ans
- Les guerres de Religion
- Le dernier évêque de Lisieux sous la Révolution
- L'apogée industriel sous le Second Empire
- Pauvres et marginaux au XIXe siècle
- La transformation de Lisieux en un centre de pèlerinage
- La capitale du bois sculpté
- Le maire et ministre Henry Chéron
- La guerre
- La Reconstruction

Rien d'original pour le moment. J'essaierai de me garder d'une histoire qui ne s'intéresse qu'aux élites (évêques, maire, patronat industriel) ; j'essaierai de reconstituer le quotidien du peuple, ses mouvements de résistance face aux pouvoirs, les tensions entre groupes sociaux. Bref, éviter une histoire officielle, vue "d'en-haut".

Au total, je projette environ 20 chapitres.

J'insèrerai entre ces chapitres quelques "récréations", c'est-à-dire des anecdotes comme la fille aux aiguilles, les malheurs de l'évêque Aetharius...

Temps de travail estimé

Au moins 3 ans. Bah oui, je travaille à côté. Mais ce blog permettra de suivre l'avancée de mes recherches et de la rédaction. C'est parti pour des journées bien chargées !

J'attends vos avis ; n'oubliez pas que ce livre vous est destiné.

dimanche 11 octobre 2015

Une crosse lexovienne au musée du Louvre

Heureuse surprise lors de ma dernière visite au Louvre : parmi divers objets d'art roman, une vitrine présentait une crosse épiscopale qui a pour origine la cathédrale de Lisieux.
La crosse épiscopale de Lisieux (fin du XIIe siècle) au musée du Louvre.

Un incroyable coup de chance de l'avoir repérée parmi les dizaines de milliers d'objets exposés dans ce gigantesque musée (16 km de galeries, s'il vous plait). Sûr que je dois développer un sixième sens qui me permet de repérer le mot "Lisieux" au premier coup d’œil sur les cartels du Louvre, ces minuscules plaquettes qui servent à légender une œuvre.

Voici ce qu'écrit ce cartel :
Crosse, fin du XIIe siècle, trouvée à Saint-Pierre de Lisieux, bronze et nielle, Ancienne collection Boy, Pallambré, Bardac, Chappée. Acquisition 1955. Département des Objets d'art. 
Une légende qui laisse un peu sur sa fin : C'est quoi le nielle ? Quand la crosse a-t-elle été retrouvée ? Qu'est-ce que représente cet objet en bronze ? A qui appartenait-il ?

La dernière question semble la plus facile à répondre. La crosse est l'insigne attachée aux évêques et aux abbés. Retrouvé dans la cathédrale Saint-Pierre, l'objet conservé au Louvre appartenait certainement à un évêque de Lisieux. A moins qu'il faisait partie d'un reliquaire ou d'une statue exposée dans l'église. C'est toutefois peu probable. Il est plus tentant d'y voir un objet retrouvé dans un cercueil épiscopal. Peut-être celui de Raoul de Varneville, évêque de Lisieux jusqu'en 1193 ou de Guillaume de Rupierre, mort en 1201. Probablement pas Arnoul, le bâtisseur de la cathédrale gothique, mort en 1182. En froid avec les chanoines lexoviens, le prélat est décédé au monastère Saint-Victor de Paris. J'imagine difficilement son corps renvoyé à Lisieux.

Un chef-d’œuvre d'orfèvrerie


Le cartel parle donc d'une crosse. Je parlerai plutôt d'un crosseron (il s'agit en effet de la partie supérieure de la crosse, il manque la hampe). Bon, je chipote. La crosse ou le crosseron a une forme de spirale, de volute exactement. Au XIIe siècle, c'est classique mais auparavant les crosses pouvaient être en forme de T ou simplement recourbées comme les anciennes cannes en bois.

Pas besoin d'être docteur en histoire de l'art pour comprendre que la crosse exposée au musée du Louvre est un chef-d’œuvre. Elle est en bronze (on connait aussi des exemples luxueux en cuivre ou en ivoire). La spirale du crosseron se transforme en rinceaux. Ce motif végétal, composé de feuilles et tiges qui s'enroulent ou s'entrelacent, rappelle les enluminures des manuscrits et les chapiteaux romans. L'orfèvre s'est appliqué jusqu'à représenter avec précision des glands. A cette époque, les artistes se contentaient souvent de styliser les végétaux mais, dans le cas lexovien, aussi bien les feuilles que les fruits sont représentés avec réalisme. Avez-vous aussi remarqué les motifs géométriques qui parcourent la partie verticale ? Je pense que cette fine décoration losangée est la partie en nielle que décrivait le cartel. D'après Wiktionnaire, le nielle est en effet une "inscrustation décorative d'un sulfure d'argent noir dans les gravures d'un métal précieux".

Reste à savoir comment la crosse s'est retrouvée en main privée (les collectionneurs Boy, Pallambré, Bardac, Chappée, indiqués sur le cartel) avant d'être acquis par le musée du Louvre en 1955. Pillage ? Fouilles archéologiques ? Au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, des érudits locaux ne se sont pas gênés pour ouvrir des cercueils dans la cathédrale. C'est ainsi qu'on a retrouvé la tombe du plus célèbre évêque de Lisieux,  Pierre Cauchon. Sa crosse était conservée quasiment intacte à l'intérieur. On ne la vola pas, on ne la revendit pas. On la transporta au musée de Lisieux. Mais les bombardements de 1944 ont fait volé en éclat la précieuse relique. Alors qu'importe l'origine, douteuse, de la crosse du Louvre, au moins celle-ci a résisté au temps et aux accidents de l'histoire.

Voir la fiche et la photo de la crosse sur le site du musée du Louvre

PS : Après recherche, je me suis rendu compte que j'ai raté un autre objet lexovien au musée du Louvre : une statue-applique de l'époque gallo-romaine. Mon 6e sens est en rodage !

dimanche 4 octobre 2015

Du Chapeau de Vermeer à l'Histoire des grands-parents

Comment raconter l'histoire ? Comment écrire un ouvrage irréprochable d'un point de vue scientifique et qui soit en même temps agréable à lire et captivant ? Cette question me passionne. Je viens de terminer deux livres, Le Chapeau de Vermeer par Timothy Brook et L'Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus par Ivan Jablonka. Deux brillantes sources d'inspiration pour rédiger ma propre Histoire de Lisieux. Ce ne sont pas des romans mais leur auteurs utilisent habilement des procédés d'écriture pour combiner rigueur historique et littérature. 

L'histoire des grands-parents que je n'ai pas eus, par Ivan Jablonka, 2014. 

Un livre de haut-vol (d'ailleurs récompensé par trois prix) qui arrive à concilier les contraires. Ivan Jablonka essaie de reconstituer la vie d'un jeune couple de Polonais juifs, émigrés en France puis déportés à Auschwitz-Birkenau. Un véritable défi d'écriture parce que ce sont des petits gens, des "invisibles". L'auteur doit mobiliser ses compétences d'historien : exploration et analyse des archives, recueil de témoignages oraux ou écrits, déplacements sur les lieux... Mais les deux personnes qu'il étudie ne sont pas n'importe qui : ce sont ses grands-parents, Matès et Idesa Jablonka. D'où un ouvrage particulier. Le discours méthodique, rigoureux, distancié de l'historien se confond avec un récit personnel, celui d'un petit-fils de déporté, dans lequel le "je" et l'émotion ne sont pas, pour une fois, proscrits. Mélange rare d'un livre scientifique et d'une égo-histoire.

Dans l'objectif de mon propre projet, je retire de cette lecture deux procédés littéraires intéressants :
- l'auteur s'implique. Ce n'est pas un livre froid, désincarné. Il fait part de son excitation à la découverte d'un document qui parle enfin de son grand-père ; il révèle sa frustration quand il interroge en vain une femme qui a probablement connu ses grands-parents mais dont la sénilité rend incapable de témoigner.
- le livre se rapproche des romans policiers. Ivan Jablonka nous emmène dans son enquête dont l'objectif n'est pas de retrouver un meurtrier mais de chercher la moindre trace de vie laissée par deux disparus. Au départ, l'historien ne dispose que des maigres souvenirs de son père, de quelques lettres et d'un passeport. La persévérance d'Ivan Jablonka, sa maîtrise des archives lui permettent de reconstituer l'itinéraire funeste de ses grands-parents. Cette quête est passionnante, en plus d'être poignante.

Le chapeau de Vermeer, par Timothy Brook, 2012. 

Cet historien canadien réussit un tour de force : nous intéresser aux débuts de la mondialisation au XVIIe siècle. Sa tactique : partir notamment de six tableaux de Vermeer et raconter l'histoire d'un objet qu'il a pioché dans la peinture. Un chapeau de fourrure, une jatte de fruit en porcelaine, quelques monnaies en argent..., les objets sont des "portes à ouvrir" qui nous font "pénétrer dans des couloirs menant à des découvertes sur le monde du XVIIe siècle". Nous voilà donc partis pour des voyages fascinants en Hollande, en Chine, en Amérique du Sud, sur les océans il y a plus de 300 ans...  Dépaysement assuré.

Qu'en retenir pour mon Histoire de Lisieux ?
- J'aime cette métaphore de la porte : introduire chaque chapitre par un objet, une œuvre d'art pour faire entrer le lecteur dans une époque. Je peux compter sur les collections du musée d'art et d'histoire de Lisieux pour trouver les ouvertures.
- On peut arriver à parler de faits complexes et spécialisés (en l'occurrence l'économie au XVIIe siècle dans Le Chapeau de Vermeer) sans être ennuyeux et incompréhensible. Timothy Brook sait "monter le niveau" sans perdre son lecteur. Il cale de nombreux récits passionnants et pertinents, évite le jargon et les théories qui n'intéressent que les spécialistes. Enfin, il essaie constamment d'être concret.
- un livre d'histoire n'est pas un seulement un récit des événements qui se sont passés. C'est aussi une plongée dans une culture étrangère à nos yeux du XXIe siècle. A Lisieux, au XVIIe siècle, ou à une autre époque, on naît, on meurt, on s'habille, on se déplace, on travaille, on pense, on s'amuse d'une façon qui n'a rien à voir avec la nôtre. A moi de ressusciter cet "exotisme".

Les historiens Ivan Jablonka et Timothy Brooke renouvellent, chacun à leur manière, l'écriture de l'histoire. Je vous invite à lire leur livre. De mon côté, j'espère qu'ils m'accompagneront inconsciemment dans mon travail.

lundi 29 juin 2015

L'histoire à la sauce "Lorànt Deustch"

En 2009, Lorànt Deutsch, jusque-là connu comme acteur, publia Métronome, un livre consacré à l'histoire de Paris. Comme je compte écrire moi aussi l'histoire d'une ville (Lisieux, si vous n'avez pas suivi), il m'a semblé intéressant de comprendre comment le jeune auteur s'y était pris d'autant que son ouvrage a remporté un incroyable succès (plus d'1,5 millions d'exemplaires vendus).  Son histoire de Paris est-elle un modèle à suivre pour mon histoire de Lisieux ?

Dans le milieu historique, évoquer Lorànt Deutsch fait sourire. Comment prendre au sérieux un acteur comique reconverti en auteur de livres historiques ? Les historiens professionnels, au moins dans un premier temps, ont donc ignoré son  travail. Pourtant, le best-seller de Lorànt Deutsch devrait les interroger alors que les ventes de leur propre livre excèdent exceptionnellement les 10000 exemplaires. Métronome a incontestablement répondu à une demande du public. J'aimerais que mon livre y réponde aussi.

Un métronome lexovien

Si vous avez lu Métronome, vous connaissez son principe. Chaque chapitre a pour titre une station de métro qui sert de prétexte à raconter un siècle de l'histoire de Paris. Ainsi la station "Châtelet-les Halles" introduit le IXe siècle et permet à l'auteur de narrer les assauts des Vikings contre la capitale, Châtelet renvoyant à une forteresse qui a subi leurs multiples sièges.

Plus généralement, Métronome est une ballade à travers Paris, dont Lorànt Deutsch serait le sympathique et passionné guide. Au-delà de la station de métro, il explique l'histoire de certains lieux du quartier (une maison, une rue, un monument...). Les Parisiens découvrent au fil de la lecture quel personnage, quelle anecdote, quel événement se cachent derrière ces endroits qu'ils parcourent habituellement d'un pas pressé.

A Lisieux, ville dépourvue de métro (et ça risque de durer), le cheminement de Lorànt Deutsch semble inapplicable. Mais il suffit juste d'un peu de souplesse pour arriver au même résultat. Au lieu des stations de métro, je pourrais partir d'une plaque de nom de rue ou d'un monument ancien. Par exemple, la rue Henry Chéron et l'avenue Saint-Thérèse permettent de présenter deux grandes figures de l'histoire lexovienne. La cathédrale rappelle la domination des évêques-comtes de Lisieux avant la Révolution ; la tour Sainte-Anne, près du commissariat, est une introduction à parler de l'ancien rempart  médiéval et donc de la guerre de Cent Ans. Mais il y a aussi quantité d'endroits qui mérite d'être éclairés à la lumière du passé. Qui sont les Mathurins de la rue du même nom ? Pourquoi la grande rue piétonne du centre-ville s'appelle Pont-Mortain alors qu'aucune rivière ne la traverse ?

J'avoue que ce plan "touristico-historique" me tente. Il présente l'avantage de partir de l'environnement quotidien des Lexoviens pour entrer dans le passé. Or, je pense qu'il est important de s'appuyer sur des éléments concrets ou familiers pour raconter l'histoire d'une ville à ses habitants. Cette façon de faire me séduit d'autant que je crains d'être dépassé par la masse d'informations que je recueille sur l'histoire de Lisieux. Par où commencer ? Quel angle choisir ? Les noms de rue, les édifices, les sites historiques me semblent des balises commodes et rassurantes pour tracer des chemins d'écriture dans ce fatras de faits historiques, de périodes, de lieux et de personnages.

Un roman historique

Lorànt Deutsch a su s'adresser à un public peu familier avec l'histoire. L'auteur ne prend pas de haut ses lecteurs et se fait un plaisir d'en revenir aux bases. Votre connaissance de l'Antiquité se limite à Vercingétorix et à Jules César ? Vous comprendrez sans difficulté le premier chapitre.

 
Au-delà du fond, les lecteurs ont sûrement aimé la forme. Lorànt Deutsch adopte souvent le récit pour son histoire de Paris. Un récit vivant, riche en images, en odeur, et en bruit. Avec en prime un certain sens du drame. Ainsi quand l'auteur fait le récit de la déposition de Childéric III, le dernier roi mérovingien :
On a beau être un roi fainéant, cette journée de novembre 751 est de celles que l'on préfèrerait ne pas revivre. Dans l'après-midi, une délégation de nobles et d'évêques se présente respectueusement devant le roi franc Childéric III et lui tient avec révérence un discours stupéfiant...
La nation franque met fin au règne de Votre Sublimité et à la continuité de votre dynastie.
Childéric ouvre de grands yeux étonnés mais il n'a pas vraiment le temps de réagir : de gros bras se saisissent de sa frêle personne, l'assoient de force sur une chaise basse tandis que d'autres rudes gaillards, armés de ciseaux, s'appliquent à tailler sa longue chevelure, signe de l'autorité royale. Les mèches de cheveux clairs qui tombent silencieusement sur les dalles marquent la fin du règne des Mérovingiens.
On s'y croirait. J'aime cette reconstitution imagée mais, en même temps, elle me gêne. La frontière avec le roman n'est plus bien claire. En réalité, les historiens ne savent pas exactement ce qui s'est passé en cette journée de novembre 751 (d'ailleurs on ne connait pas sa date exacte). Seule certitude : Childéric a été déposé, puis rasé. Pour Lorànt Deutsch, ce n'est pas assez. Insatisfait du laconisme des sources, il y remédie en brodant sur l'événement.

Et cette dérive traverse tous les chapitres. Comme dans les pièces de théâtre dans lequel il joue, Lorànt Deutsch pose un décor, habille de costume ses personnages, postule leurs sentiments, imagine leurs dialogues. Sous la plume de l'auteur, la page d'histoire s'anime au risque d'être complètement fictive. Lorànt Deutsch enrichit une réalité insaisissable pour mieux capter et séduire son lectorat. De Michel de Decker à Stéphane Bern, il n'est pas le seul à procéder ainsi.

Alors comment écrire mon livre ? Je ne veux pas concevoir un roman déguisé en une histoire de Lisieux ; j'aurais l'impression de tromper les lecteurs. A l'inverse, si je mets un point d'honneur à respecter la vérité historique, je risque de tomber dans un autre travers : écrire une histoire désincarnée, sèche, ennuyeuse. Il faudra que je trouve un chemin intermédiaire.

jeudi 18 juin 2015

De quoi pourrait parler ce livre ?

Pour préparer mon travail de recherche, j'ai voulu commencer par un dépouillement de tous les articles et livres qui traitent de l'histoire de Lisieux. J'ai renoncé : il y en a beaucoup trop. J'ai donc renversé ma méthode : définir d'abord des thèmes de recherche puis trouver les références bibliographiques qui étayeront mon propos.


D'ors et déjà, quelques sujets me semblent incontournables. J'explorerais les liens multiséculaires de Lisieux avec la religion. Sainte Thérèse a fait de la ville le deuxième centre de pèlerinage de France, après Lourdes, mais, bien avant sa mort, Lisieux était une capitale religieuse puisqu'elle accueillait un évêque. Un rôle renforcé par l'installation de différents couvents (bénédictins, dominicains, mathurins, ursulines).

J'aimerais aussi reconstituer la vie quotidienne et l'aspect de la ville à une époque précise. Peut-être la fin du Moyen Âge ou le XVIIIe siècle. Qu'est-ce qu'un Lexovien voyait ou faisait ?

Le danger d'écrire une histoire d'une ville, c'est de rester enfermé dans le périmètre de ses remparts. Par ses fonctions administratives, culturelles, économiques, Lisieux rayonnait sur les villages alentours, et plus largement le pays d'Auge. Il me semble intéressant de découvrir les liens, les échanges entre les Lexoviens, les villes voisines et les ruraux

Afin d'offrir une autre grille de lecture de l'histoire lexovienne, je me vois bien proposer un circuit à travers la ville pour expliquer les noms de rues, et raconter les bâtiments et autres édifices. Sûrement une réminiscence de mon activité de guide. J'ai fait visité la ville pendant cinq ans lorsque j'étais étudiant.

Un chapitre pourrait rassembler toutes les histoires curieuses liées à Lisieux. Une sorte de recueil d'anecdotes. L'histoire de la fille ensorcelée de Courson me semble un bon exemple. Elle n'a pas grand intérêt historique mais ne manque pas de piquant (au sens propre comme au sens figuré).

Et vous, des thèmes vous viennent à l'idée ? 

lundi 1 juin 2015

Les armoiries de Lisieux, côtés face et obscur


Le 29 mai 2015, Denis Joulain, héraldiste, présentait son livre Le Calvados armorié. Blason des communes du Calvados devant la Société historique de Lisieux. Le conférencier n'a pas manqué d'aborder le cas lexovien. Si l'origine du blason de la ville est bien connue, il subsiste deux petits mystères.

Blason de Lisieux

« Blason Lisieux » par Anno16 Cette image a été réalisée pour le Projet Blasons de la Wikipédia francophone i
 
Selon Denis Joulain, alors que les logos se comparent à la "carte de visite" et évolue donc selon les modes, les armoiries sont comme une "carte d'identité" . Composées de couleurs et de dessin, elles représentent, en une image, une grande famille, un artisan, ou une collectivité, comme les villes. 

Visible sur le fronton de l'hôtel de ville, les armoiries de Lisieux, plus exactement sa partie centrale, appelée blason, se décrivent ainsi  : 
D'argent aux deux clefs de sable passées en sautoir, cantonnées de quatre étoiles du même, au chef d'azur chargé de trois fleurs de lys d'or
L'héraldique est en effet un véritable langage qui, pour le non-initié, reste en grande partie incompréhensible. Traduisons les différents éléments : 
  • D'argent (blanc) 
  • aux clefs de sable passées en sautoir (clés noires disposées en croix)  
  • cantonnées de quatre étoiles du même (c'est assez clair), 
  • au chef d'azur chargé de trois fleurs de lys d'or (dont la partie supérieure est bleue et dessinée de trois fleurs de lys jaunes)
En fait, la municipalité a repris le blason du chapitre, ce collège de chanoines chargés de l'entretien et de l'animation de la cathédrale, avant la Révolution. Les clefs en sautoir renvoient à saint Pierre, le patron de la cathédrale. Selon les Évangiles, Jésus avait donné les "clefs du royaume des cieux" au premier de ses apôtres. Dans l'esprit populaire, ces clefs sont devenues celles du paradis.

La partie supérieure (la bande aux 3 fleurs de lys) serait un ajout de l'évêque Thomas Basin pour commémorer la reconquête de Lisieux par le roi de France en 1449. La ville était en effet depuis plus de trente ans occupée par les Anglais. 

Les armoiries de Lisieux sur le fronton de l'hôtel de ville. Le blason est surmonté d'une couronne murale, en l'occurrence un château à trois tours. Cette construction rappelle sûrement que la ville était fortifiée.

Le blason lexovien s'explique donc facilement. Il reste toutefois quelques détails incompris aujourd'hui. Que représente les quatre étoiles ? L'héraldiste Denis Joulain ne le sait pas avec certitude. Peut-être une symbolisation des quatre évangélistes ? Autre mystère, pourquoi les couleurs ont changé ? En effet, il semble qu'au XVIIe siècle, le blason était d'azur à deux clefs d'argent (bleu à deux clés blanches). 

Si vous avez des réponses, laissez un commentaire.  
Si vous êtes intéressés par le sujet, voici deux liens :
Edition du 17 juin 2015 : Après avoir lu l'article, M. Joulain m'a fait part d'une explication sur la couronne murale (une enceinte à trois tours), qui surmonte le blason :
La "couronne murale" indique à l'origine une ville affranchie de la tutelle seigneuriale. Cette coiffe étant alors mise en lieu et place de la couronne habituelle du suzerain (comte, marquis, etc.). Cela ne veut pas dire que la ville était ceinte de murs, même si, du coup, cela était souvent le cas. Plus tard, la couronne murale servait à distinguer les villes des autres communautés (et le nombre de tours leur importance...), mais les ornements extérieurs étant plus ou moins libres, les utilisateurs ont laissé errer leur imagination (on retrouve une couronne ducale pour l'orgueil d'appartenir à un ancien duché historique... Une couronne de quatre tours pour une localité minuscule... le tout à l'avenant).
En ce qui concerne Lisieux, c'était une ville en partie affranchie de la tutelle seigneuriale. L'évêque était le seigneur mais Pierre Cauchon, lui-même évêque, aautorisé la ville à s'ériger en commune, autrement dit en une institution collégiale disposant d'une certaine liberté d'administration. C'était au XVe siècle. D'où l'explication de cette couronne murale. Lisieux venait par ailleurs d'être fortifiée.

dimanche 24 mai 2015

La colline des Apprentis d'Auteuil : que s'y trouvait-il ?

Les bâtiments des Apprentis d'Auteuil sont, avec la basilique, un des points dominants de la ville. En dépit de leur visibilité, ils restent méconnus des Lexoviens. Une visite organisée le 23 mai 2015 par Pays d'Art et d'Histoire m'a permis d'apprendre leur passé.

Début de la visite. De la colline, on jouit d'un panorama sur toute la ville.

Les Lexoviens l'appellent la Colline ; les plus âgés la désignent comme le Refuge. Un nom qui rappelle l'ancienne vocation du site : à partir de 1879, des religieuses de la communauté Notre-Dame de la Miséricorde s'y consacraient à "recueillir et [...] ramener à la vertu les jeunes filles de mauvaise conduite" (Armand Marie-Cardine, Guide des étrangers à Lisieux et dans ses environs, vers 1882). Autrement dit, s'y réfugiaient, plus ou moins contraintes, les anciennes prostituées ou les mères célibataires. Avec l'évolution des mœurs, l'établissement a élargi son public aux femmes en difficulté.

Une inscription qui rappelle l'ancienne fonction du bâtiment

Ces explications viennent de Cordula Girault, guide-conférencière de Pays d'Art et d'Histoire, venue nous présenter la colline des Apprentis d'Auteuil, en ce samedi 23 mai. Au cours de ses recherches préparatoires à la visite, elle a constaté l'absence d'études historique ou architecturale sur le site. Heureusement, elle a pu retrouver une ancienne pensionnaire pour lui expliquer la vie au Refuge. Arrivée en 1943, ce témoin exceptionnel y a vécu jusqu'au départ des soeurs en 1988. Soit 45 ans de vie, d'abord comme adolescente puis comme enseignante. Son principal souvenir est attaché à 1944, lorsque les bâtiments ont alors presque entièrement disparu sous les bombes des avions alliés. La plupart des occupantes ont eu la vie sauve en se réfugiant en haut de la colline.

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Groupe de maisons qui ont survécu aux bombardements en 1944 (aujourd'hui, secteur du musée d'Art et d'Histoire). Au dessus, on aperçoit les ruines du Refuge : deux pans de murs, le mur d'enceinte et un bâtiment à droite (collection Médiathèque de Lisieux).
Les bâtiments actuels datent principalement de la Reconstruction. Les pensionnaires (120 en 1944) se consacraient à des travaux de couture et de broderie. Elles confectionnaient aussi des matelas. Les dernières sœurs, trop peu nombreuses, ont quitté les lieux en 1988. La propriété est achetée par la fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil, poursuivant ainsi la vocation socio-éducative du Refuge. Le directeur de l'établissement lexovien (Thierry Campos ?) a profité de la visite pour expliquer l'histoire et le rôle de la fondation Apprentis d'Auteuil. C'est une œuvre d'Eglise, créée en 1871 par l'abbé Roussel, à Auteuil, XVIe arrondissement de Paris. Sa mission première était de former les orphelins et de leur apprendre un métier mais les orphelins ne constituent plus qu'une minorité des jeunes accueillis (10% à Lisieux).

Les vitraux chatoient à l'intérieur de la chapelle, une construction de l'architecte de la ville, Georges Duval en 1960.

Les bâtiments des Apprentis d'Auteuil. Au premier plan, une statue de la Vierge qui a survécu au bombardements (elle occupait un clocheton du Refuge). Au fond, la chapelle.
 Pour appuyer sa visite, notre guide Cordula Girault s'est aussi adjointe Danièle, sœur de la Providence. Car une partie de la colline appartenait aux sœurs de la Providence, une congrégation chargée de l'éducation des filles. Leur établissement principal se trouvait rue du Docteur Degrenne, au niveau de la Sécurité Sociale avant que les bombardements de 1944 ne détruisent tout. 20 sœurs restèrent sous les décombres. La congrégation vit aujourd'hui chemin de Rocques, sur le site de l'ancienne clinique des Buissonnets.
Les sœurs de la Providence à l'ombre des pommiers de la ferme de Bon Ange. Cette ferme se trouvait sur la colline
Dans l'ancien cimetière de la Providence, soeur Danièle nous explique qu'au XIXe siècle, le supérieur de la congrégation de la Providence était Jean-Baptiste Frémont, l'abbé qui a donné son nom à la fameuse institution lexovienne. Notre guide improvisée ironise sur cette époque où les femmes étaient considérées incapables de se diriger d'où la nomination d'un supérieur. Frémont, homme austère et de caractère, dirigea pendant 42 ans la communauté. Si sœur Emmanuel le considère comme "extraordinaire", elle n'hésite pas à pointer les erreurs du personnage : réorientation des missions de la congrégation, vie plus contraignante pour les sœurs. La page historique du site de la communauté ne masque pas ces ambiguïtés. L'abbé Frémont repose dans la petite chapelle funéraire vers le haut de la colline.

Cet enclos, dominé par un calvaire et une chapelle, correspond à l'ancien cimetière des sœurs de la Providence. L'abbé Frémont repose dans l'édifice.

Cette visite a une nouvelle fois souligné l'importance des communautés religieuses dans l'histoire de Lisieux, et ce avant la mort de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus.