lundi 16 février 2015

Passage express de Louis XVI à Lisieux

En 1786, Louis XVI, de retour d'un voyage à Cherbourg, envisage de passer à Lisieux. Les Lexoviens préparent un accueil digne de leur souverain. Depuis Henri IV, en 1603, aucun roi de France n'est venu dans la capitale du pays d'Auge. 

Louis16-1775
Hormis son sacre à Reims, Louis XVI voyage pour la première fois en province. A Cherbourg, le roi a pu observer les travaux d'une gigantesque digue qui doit transformer la baie en un port de guerre. Sur le chemin du retour, il doit se rendre de Caen au Havre. Entre ces deux étapes, Lisieux.

Le 27 juin, à 9h30 du matin, le carrosse de sa Majesté et sa suite paraissent à la porte de Caen. Le maire et les officiers municipaux de Lisieux viennent à sa rencontre. Ils escortent la voiture royale dans la traversée de la ville. Les Lexoviens mais aussi les habitants des environs se pressent au bord de l'itinéraire royal en espérant apercevoir la tête du roi. "Ils développèrent une effusion si vive, si soutenue d'allégresse et d'admiration pour son auguste personne, qu'on eût tenté vainement de la modérer par des représentations, ou d'engager le peuple d'en offrir au monarque adoré des marques moins bruyantes" raconte le compte-rendu officiel de la visite royale. Bref, la foule est en délire.

A l'occasion de l'événement, Lisieux est transformée : les habitants ont tendu, à l'appui des fenêtres du premier étage, des toiles qui tombent presque jusqu'au sol. Au cours de la traversée de la ville, le carrosse royal passe sous plusieurs arcs de triomphe en bois, élevés pour la circonstance. Ils sont décorés de guirlandes de fleurs et de rubans, parfois de plumes. Sur la place du marché (place François-Mitterrand), se tient une femme déguisée en la déesse grecque de la Renommée : elle sonne de la trompette au passage du souverain.

Mais le roi est très pressé. Pas même le temps de descendre de son carrosse pour aller prier à la cathédrale. Il doit embarquer à Honfleur avant la marée basse, c'est-à-dire dans l'après-midi. De là il traversera la Seine pour se rendre au Havre. L'évêque de Lisieux, Jules Basile Féron de la Ferronaye, lui exprime ses regrets d'un passage aussi rapide. Le cortège continue sa route et remonte la Grande Rue (l'actuel rue Henry Chéron)

L'hôtel de ville apparaît sur la droite. Au-dessus de la porte, une banderole porte l'inscription "Vive le roi". Se dresse en haut de la Grande Rue, la porte fortifiée de Paris. Elle a aussi revêtu ses habits de fêtes : de longs draps rouge, blanc, vert et bleu la recouvrent. Au sommet une étoffe, semée de fleurs de lys et des initiales du nom de Louis, associe les armes royales (trois fleurs de lys sur fond bleu) et celles de Lisieux (les clés de saint Pierre).

Une fois franchie la porte de Paris, le cortège longe les murailles en suivant la promenade de la ville (actuel boulevard Herbet-Fournet). Les officiers municipaux ont réservé le plus beau pour la fin : quatre jeunes filles habillées en déesse habitent un dernier arc de triomphe. La première représente la Bienfaisance, reconnaissable aux gerbes de blé et à la corne d'abondance qu'elle tient dans ses mains. La seconde, appuyée sur un gouvernail, personnifie la Navigation. La déesse de la Justice se devine à ses yeux bandés. La quatrième, la Paix, tient une branche d'olivier. A proximité, des fillettes brûlent des parfums ou jettent des fleurs sur le chemin.

Louis XVI s'est enfin arrêté, non pour la beauté du spectacle mais parce qu'il est arrivé au relais : le carrosse reçoit de nouveaux chevaux. Il exprime sa satisfaction aux maires et à ses adjoints, puis quitte la ville au tonnerre du canon et au son des cloches. Direction Honfleur via Pont-l'Evêque.

Au vu de l'accueil enthousiaste des Lexoviens, qui pourrait croire que ce souverain débonnaire monterait sur l'échafaud sept ans plus tard ?

lundi 9 février 2015

La plus ancienne photo de Lisieux

Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque Nationale de France, regorge de petits trésors qu'il faut se donner la peine de chercher. En témoigne cette photo de Louis-Adolphe Humbert de Molard. Elle représente Lisieux vers 1845-1853.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6939815p/f3.zoom.r=Lisieux
Lisieux en 1845-1853. Gallica/BNF Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

Sachant que la photographie naît dans les années 1830, nous voyons sûrement une des premières photographies de la ville. Je vous mets au défi de trouver une représentation plus ancienne. On reconnait la cathédrale au centre. Le paysage urbain n'est pas encore dominé par les cheminées des usines. Il revêt au contraire des accents champêtres : au second plan, au-delà du grand bâtiment à pan de bois, nous apercevons de nombreux jardins séparés par de hauts murs. Il s'agit du quartier du Bouloir. Ce secteur de Lisieux, isolé du reste de la ville, conserve encore ce charme. 

Si Lisieux a très tôt été un sujet photographique, elle le doit à la présence voisine d'un pionnier de la photographie. Le baron Adolphe Humbert de Molard (1800-1874) possédait en effet le château d'Argentel à Manerbe. Il faisait partie de ses amateurs fortunés qui se sont pris de passion pour ce médium naissant. Ses œuvres se partagent aujourd'hui entre le musée d'Orsay, la bibliothèque Nationale de France et le Metropolitan Museum of Art à New York... C'est dire la qualité artistique reconnue de son travail. Sa photo de Lisieux n'a, par contre, pas d'ambition esthétique. Elle vaut à mes yeux pour son intérêt documentaire : une vue de la ville à la veille d'être rattrapée par la Révolution industrielle

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