lundi 26 octobre 2015

Les principes du livre : j'y vois plus clair

Après mûres réflexions, je pense mieux définir comment écrire cette histoire de Lisieux. Voici les objectifs, un aperçu des thèmes étudiés et la manière de les aborder.

Objectifs du livre

  • Contribuer à ce que les Lexoviens s'approprient et aiment leur ville en dévoilant la richesse et l'ancienneté de l'histoire de Lisieux, en montrant que le passé lexovien est visible à chaque coin de rue malgré le quasi-anéantissement de 1944.
  • Faire comprendre cette histoire (contexte, recherche des causes et conséquences) et la débarrasser de certains clichés.
  • Divertir les lecteurs.


Le livre ne s'adressera pas en priorité aux spécialistes. Il devra être lisible et compréhensible même pour un public peu familier avec l'histoire.

La rue Pont-Mortain, mais où est donc le pont ?
  

Narration et style

Chaque chapitre prend pour point de départ un lieu actuel de la ville. Chaque lieu sera la porte d'entrée d'un thème ou d'une période.
Le récit sera le mode privilégié. Le livre sera illustré.

Période étudiée

Le première chapitre concernera l'oppidum du Castellier, l'agglomération gauloise bâtie à quelques kilomètres de la ville actuelle

Je ne sais pas encore à quelle date conclure cette histoire de Lisieux. La reconstruction dans les années 1950 ? La fondation de Hauteville dans les années 1960-1970 ? Aujourd'hui ? Plus la date est proche, plus je me sens ennuyé car je ne suis pas né à Lisieux et je pense donc que des Lexoviens pourraient mieux parler que moi des dernières décennies.

Le rond-point André Carles et la tour Sainte-Anne. Le nom d'un ancien maire et un vestige du Moyen Âge : l'histoire est partout à Lisieux, pour peu qu'on s'y attarde.


Des idées de chapitres 

- L'oppidum du Castellier
- La ville-sanctuaire de Saint-Désir
- Noviomagus, la ville romaine
- Lisieux sous l'occupation anglaise pendant la guerre de Cent Ans
- Les guerres de Religion
- Le dernier évêque de Lisieux sous la Révolution
- L'apogée industriel sous le Second Empire
- Pauvres et marginaux au XIXe siècle
- La transformation de Lisieux en un centre de pèlerinage
- La capitale du bois sculpté
- Le maire et ministre Henry Chéron
- La guerre
- La Reconstruction

Rien d'original pour le moment. J'essaierai de me garder d'une histoire qui ne s'intéresse qu'aux élites (évêques, maire, patronat industriel) ; j'essaierai de reconstituer le quotidien du peuple, ses mouvements de résistance face aux pouvoirs, les tensions entre groupes sociaux. Bref, éviter une histoire officielle, vue "d'en-haut".

Au total, je projette environ 20 chapitres.

J'insèrerai entre ces chapitres quelques "récréations", c'est-à-dire des anecdotes comme la fille aux aiguilles, les malheurs de l'évêque Aetharius...

Temps de travail estimé

Au moins 3 ans. Bah oui, je travaille à côté. Mais ce blog permettra de suivre l'avancée de mes recherches et de la rédaction. C'est parti pour des journées bien chargées !

J'attends vos avis ; n'oubliez pas que ce livre vous est destiné.

dimanche 11 octobre 2015

Une crosse lexovienne au musée du Louvre

Heureuse surprise lors de ma dernière visite au Louvre : parmi divers objets d'art roman, une vitrine présentait une crosse épiscopale qui a pour origine la cathédrale de Lisieux.
La crosse épiscopale de Lisieux (fin du XIIe siècle) au musée du Louvre.

Un incroyable coup de chance de l'avoir repérée parmi les dizaines de milliers d'objets exposés dans ce gigantesque musée (16 km de galeries, s'il vous plait). Sûr que je dois développer un sixième sens qui me permet de repérer le mot "Lisieux" au premier coup d’œil sur les cartels du Louvre, ces minuscules plaquettes qui servent à légender une œuvre.

Voici ce qu'écrit ce cartel :
Crosse, fin du XIIe siècle, trouvée à Saint-Pierre de Lisieux, bronze et nielle, Ancienne collection Boy, Pallambré, Bardac, Chappée. Acquisition 1955. Département des Objets d'art. 
Une légende qui laisse un peu sur sa fin : C'est quoi le nielle ? Quand la crosse a-t-elle été retrouvée ? Qu'est-ce que représente cet objet en bronze ? A qui appartenait-il ?

La dernière question semble la plus facile à répondre. La crosse est l'insigne attachée aux évêques et aux abbés. Retrouvé dans la cathédrale Saint-Pierre, l'objet conservé au Louvre appartenait certainement à un évêque de Lisieux. A moins qu'il faisait partie d'un reliquaire ou d'une statue exposée dans l'église. C'est toutefois peu probable. Il est plus tentant d'y voir un objet retrouvé dans un cercueil épiscopal. Peut-être celui de Raoul de Varneville, évêque de Lisieux jusqu'en 1193 ou de Guillaume de Rupierre, mort en 1201. Probablement pas Arnoul, le bâtisseur de la cathédrale gothique, mort en 1182. En froid avec les chanoines lexoviens, le prélat est décédé au monastère Saint-Victor de Paris. J'imagine difficilement son corps renvoyé à Lisieux.

Un chef-d’œuvre d'orfèvrerie


Le cartel parle donc d'une crosse. Je parlerai plutôt d'un crosseron (il s'agit en effet de la partie supérieure de la crosse, il manque la hampe). Bon, je chipote. La crosse ou le crosseron a une forme de spirale, de volute exactement. Au XIIe siècle, c'est classique mais auparavant les crosses pouvaient être en forme de T ou simplement recourbées comme les anciennes cannes en bois.

Pas besoin d'être docteur en histoire de l'art pour comprendre que la crosse exposée au musée du Louvre est un chef-d’œuvre. Elle est en bronze (on connait aussi des exemples luxueux en cuivre ou en ivoire). La spirale du crosseron se transforme en rinceaux. Ce motif végétal, composé de feuilles et tiges qui s'enroulent ou s'entrelacent, rappelle les enluminures des manuscrits et les chapiteaux romans. L'orfèvre s'est appliqué jusqu'à représenter avec précision des glands. A cette époque, les artistes se contentaient souvent de styliser les végétaux mais, dans le cas lexovien, aussi bien les feuilles que les fruits sont représentés avec réalisme. Avez-vous aussi remarqué les motifs géométriques qui parcourent la partie verticale ? Je pense que cette fine décoration losangée est la partie en nielle que décrivait le cartel. D'après Wiktionnaire, le nielle est en effet une "inscrustation décorative d'un sulfure d'argent noir dans les gravures d'un métal précieux".

Reste à savoir comment la crosse s'est retrouvée en main privée (les collectionneurs Boy, Pallambré, Bardac, Chappée, indiqués sur le cartel) avant d'être acquis par le musée du Louvre en 1955. Pillage ? Fouilles archéologiques ? Au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, des érudits locaux ne se sont pas gênés pour ouvrir des cercueils dans la cathédrale. C'est ainsi qu'on a retrouvé la tombe du plus célèbre évêque de Lisieux,  Pierre Cauchon. Sa crosse était conservée quasiment intacte à l'intérieur. On ne la vola pas, on ne la revendit pas. On la transporta au musée de Lisieux. Mais les bombardements de 1944 ont fait volé en éclat la précieuse relique. Alors qu'importe l'origine, douteuse, de la crosse du Louvre, au moins celle-ci a résisté au temps et aux accidents de l'histoire.

Voir la fiche et la photo de la crosse sur le site du musée du Louvre

PS : Après recherche, je me suis rendu compte que j'ai raté un autre objet lexovien au musée du Louvre : une statue-applique de l'époque gallo-romaine. Mon 6e sens est en rodage !

dimanche 4 octobre 2015

Du Chapeau de Vermeer à l'Histoire des grands-parents

Comment raconter l'histoire ? Comment écrire un ouvrage irréprochable d'un point de vue scientifique et qui soit en même temps agréable à lire et captivant ? Cette question me passionne. Je viens de terminer deux livres, Le Chapeau de Vermeer par Timothy Brook et L'Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus par Ivan Jablonka. Deux brillantes sources d'inspiration pour rédiger ma propre Histoire de Lisieux. Ce ne sont pas des romans mais leur auteurs utilisent habilement des procédés d'écriture pour combiner rigueur historique et littérature. 

L'histoire des grands-parents que je n'ai pas eus, par Ivan Jablonka, 2014. 

Un livre de haut-vol (d'ailleurs récompensé par trois prix) qui arrive à concilier les contraires. Ivan Jablonka essaie de reconstituer la vie d'un jeune couple de Polonais juifs, émigrés en France puis déportés à Auschwitz-Birkenau. Un véritable défi d'écriture parce que ce sont des petits gens, des "invisibles". L'auteur doit mobiliser ses compétences d'historien : exploration et analyse des archives, recueil de témoignages oraux ou écrits, déplacements sur les lieux... Mais les deux personnes qu'il étudie ne sont pas n'importe qui : ce sont ses grands-parents, Matès et Idesa Jablonka. D'où un ouvrage particulier. Le discours méthodique, rigoureux, distancié de l'historien se confond avec un récit personnel, celui d'un petit-fils de déporté, dans lequel le "je" et l'émotion ne sont pas, pour une fois, proscrits. Mélange rare d'un livre scientifique et d'une égo-histoire.

Dans l'objectif de mon propre projet, je retire de cette lecture deux procédés littéraires intéressants :
- l'auteur s'implique. Ce n'est pas un livre froid, désincarné. Il fait part de son excitation à la découverte d'un document qui parle enfin de son grand-père ; il révèle sa frustration quand il interroge en vain une femme qui a probablement connu ses grands-parents mais dont la sénilité rend incapable de témoigner.
- le livre se rapproche des romans policiers. Ivan Jablonka nous emmène dans son enquête dont l'objectif n'est pas de retrouver un meurtrier mais de chercher la moindre trace de vie laissée par deux disparus. Au départ, l'historien ne dispose que des maigres souvenirs de son père, de quelques lettres et d'un passeport. La persévérance d'Ivan Jablonka, sa maîtrise des archives lui permettent de reconstituer l'itinéraire funeste de ses grands-parents. Cette quête est passionnante, en plus d'être poignante.

Le chapeau de Vermeer, par Timothy Brook, 2012. 

Cet historien canadien réussit un tour de force : nous intéresser aux débuts de la mondialisation au XVIIe siècle. Sa tactique : partir notamment de six tableaux de Vermeer et raconter l'histoire d'un objet qu'il a pioché dans la peinture. Un chapeau de fourrure, une jatte de fruit en porcelaine, quelques monnaies en argent..., les objets sont des "portes à ouvrir" qui nous font "pénétrer dans des couloirs menant à des découvertes sur le monde du XVIIe siècle". Nous voilà donc partis pour des voyages fascinants en Hollande, en Chine, en Amérique du Sud, sur les océans il y a plus de 300 ans...  Dépaysement assuré.

Qu'en retenir pour mon Histoire de Lisieux ?
- J'aime cette métaphore de la porte : introduire chaque chapitre par un objet, une œuvre d'art pour faire entrer le lecteur dans une époque. Je peux compter sur les collections du musée d'art et d'histoire de Lisieux pour trouver les ouvertures.
- On peut arriver à parler de faits complexes et spécialisés (en l'occurrence l'économie au XVIIe siècle dans Le Chapeau de Vermeer) sans être ennuyeux et incompréhensible. Timothy Brook sait "monter le niveau" sans perdre son lecteur. Il cale de nombreux récits passionnants et pertinents, évite le jargon et les théories qui n'intéressent que les spécialistes. Enfin, il essaie constamment d'être concret.
- un livre d'histoire n'est pas un seulement un récit des événements qui se sont passés. C'est aussi une plongée dans une culture étrangère à nos yeux du XXIe siècle. A Lisieux, au XVIIe siècle, ou à une autre époque, on naît, on meurt, on s'habille, on se déplace, on travaille, on pense, on s'amuse d'une façon qui n'a rien à voir avec la nôtre. A moi de ressusciter cet "exotisme".

Les historiens Ivan Jablonka et Timothy Brooke renouvellent, chacun à leur manière, l'écriture de l'histoire. Je vous invite à lire leur livre. De mon côté, j'espère qu'ils m'accompagneront inconsciemment dans mon travail.