mercredi 21 septembre 2016

La guillotine a-t-elle tué à Lisieux ?

C'est la question qui a jailli lors d'un échange entre des membres de la Société historique de Lisieux. J'ai répondu spontanément que non. Après de brèves recherches, je peux répondre aujourd'hui plus précisément.

Pierre-Antoine Demachy, une exécution capitale, place de la Révolution, musée Carnavalet. Cliquez sur l'image pour l'agrandir
 
"Sous l'Ancien Régime, les condamnés à mort subissaient des châtiments différents selon leur crime et leur condition. On brûlait, on écartelait, rouait pour les délits les plus graves, ou on se contentait de pendre les roturiers et décapiter les nobles. Député de Paris, le docteur Guillotin fit adopter par la Constituante le principe d'une exécution égalitaire" explique mon utile livre Histoire et dictionnaire de la Révolution Française. Le 25 avril 1792, s'abattait pour la première fois le couperet sur le cou d'un condamné à Paris. Des guillotines sont installées dans tous les chefs-lieux de département, donc à Caen, mais pas dans les chefs-lieux de district, comme Lisieux. Les Lexoviens n'ont pas vu la terrible machine trancher des têtes dans leur ville. 

Pour autant, ça ne veut pas dire qu'on n'y a pas tué pendant la Révolution. L'historien local Louis du Bois raconte le massacre du 16 août 1792 : "Au milieu d'une cérémonie civique qui eut lieu sur la place de la Confédération [actuelle place de la République], Jacques-Michel Girard, huissier, fut assez imprudent pour manifester des opinions opposées à la Révolution. Aussitôt la populace furieuse chercha à se précipiter sur lui afin de le massacrer ; la garde nationale, les administrateurs et les membres des tribunaux firent en ce moment de généreux efforts pour soustraire cet infortuné au danger qui le menaçait : on y est parvenu durant le trajet de la Couture [place de la République] jusqu'à la porte de l'hôtel-de-ville, mais là, au moment où le cortège allait franchir la grille de la porte d'entrée, les assassins parvinrent à s'introduire dans la cour ; ils poursuivirent leur victime jusque sur le perron où ils l'atteignirent et la massacrèrent sans pitié. Aveuglée par la fureur, cette population effrénée lança le corps du malheureux Girard par-dessus la grille du perron, puis le traîna dans la rue et l'exposa près d'une borne en face de l'hôtel-de-ville, une chandelle allumée dans la bouche, afin d'éclairer la large plaie qu'il avait à la gorge... Ce fut le seul assassinat qui eut lieu à Lisieux pendant la Révolution".

Il n'empêche que la ville connut d'autres morts violentes. Quelques pages plus loin, le même Louis du Bois évoque les condamnations de brigands. Pour eux pas de guillotine mais le peloton d'exécution après décision d'un conseil militaire. En 1796, six sont fusillés dans le Grand Jardin (aujourd'hui le quartier entre la rue du général Leclerc et le boulevard Nicolas Oresme) et deux autres, place de la Victoire (aujourd'hui place Clemenceau). Ces deux voleurs s'étaient introduits dans la maison d'un couple habitant Saint-Sébastien-de-Préaux. Puis, certainement pour leur faire avouer la planque de leur argent, ils leur avaient appliqué des fers rougis et versé de l'eau-de-vie bouillante sur les jambes et les pieds. Raison pour laquelle on appelait ces tortionnaires des chauffeurs.